Wolf dPrix

Wolf dPrix est cofondateur et directeur de la conception de Coop Himmelb(l)au, studio fondé en 1968 comme alternative à la pensée architecturale linéaire de l’époque. Il est aujourd’hui mondialement reconnu pour son approche innovante de la conception, à l’intersection de l’architecture, de l’art et de la technologie. Wolf dPrix est considéré comme l’un des initiateurs du mouvement de l’architecture déconstructiviste. Il a notamment enseigné à l’Université des arts appliqués de Vienne, à l’Architectural Association (AA) de Londres, au MIT, à Harvard, à Columbia, à UCLA, Yale et SCI-Arc.

En 2000, le comité d’organisation des Jeux olympiques d’Athènes (2004) lance un concours international d’idées pour le développement du village olympique. Le site doit loger 17 000 athlètes et accompagnants, et accueillir bureaux, cliniques sportives et lieux de socialisation. Il devra par la suite être transformé en quartier mixte.

Sous la direction de Wolf dPrix, le studio Coop Himmelb(l)au, connu pour être l’un des initiateurs du mouvement déconstructiviste en architecture, participe au concours. De ce projet, il ne reste qu’une dizaine d’esquisses réalisées par l’architecte : une langue à déchiffrer, qui parle volumes, composition, mouvement, équilibre et tension, espaces. On y sent les intonations, les respirations, les hésitations, les allers-retours de la pensée, là où elle insiste, là où elle se perd. Difficile de savoir si cette langue se lit de gauche à droite, de droite à gauche, de haut en bas ou de bas en haut. Il semble qu’il y ait un centre de gravité.

On entend presque l’architecte parler pendant qu’il dessine, se reprendre, expliquer. C’est une pensée dessinée, une pensée en mouvement. “Le croquis est pour moi le point de départ du processus créatif, une première idée vague qui n’a pas encore été formulée. Je le vois comme un psychogramme : quand je dessine, une image se crée dans ma tête, dans mon subconscient, un sentiment de l’espace en question, et avec ma main, je transpose ce sentiment sur la feuille. À ce moment, ma main agit comme un seismographe.”

Le Plaisir d’architecture, l’animation qui accompagne ce croquis, semble être une métaphore du processus créatif de Wolf dPrix. En prenant Le Jardin des délices de Jérôme Bosch comme point de départ, il fait référence à l’importance que tient l’art dans sa vie personnelle et dans sa pratique architecturale, nécessité selon lui pour qui voudrait aller au-delà du cadre strict de sa discipline. Un principe tellement fort qu’il aime à l’illustrer par le saut de la baleine qui, passant du médium eau au médium air, projetant ses milliers de kilos dans l’air, se dépasse de façon spectaculaire.

Que le choix se soit porté sur ce chef d’œuvre de la peinture primitive flamande n’est pas un hasard. En plus de figurer une version minuscule de baleine en plein vol (volet de gauche), ce tableau évoque subtilement une influence déterminante chez l’architecte : le surréalisme, dont les représentants considéraient Bosch comme un précurseur. L’intérêt de Wolf dPrix pour ce mouvement fait écho à celui qu’il porte pour son compatriote Sigmund Freud et plus précisément pour la notion d’inconscient. Or, lorsqu’architectes et théoriciens jettent les bases de leur revendication déconstructiviste dans les années 1980, ils s’appuient notamment sur la méthode derridienne consistant à analyser un texte en fonction de ses non-dits, signifiant par-là que l’inconscient de leur auteur donne son sens à l’œuvre.

Le Jardin des délices pourrait donc se comprendre comme un clin d’œil aux bases déconstructivistes qui sous-tendent le travail de Coop Himmelb(l)au, c’est-à-dire la remise en question des principes ayant jusque là guidé l’architecture, « révolte émotionnelle et inconsciente contre la logique rationnelle » selon les mots de Wolf dPrix. De fait, le tableau se transforme en un second triptyque inspiré du premier, où la décomposition de la structure, la négation du principe de gravité (rappelons-nous la baleine) et l’introduction de l’aléatoire comme paramètre de conception – parmi les principes essentiels des déconstructivistes - sont manifestes. Au-delà d’un hommage de l’architecte à ses prédécesseurs, ce second tableau est une représentation contemporaine et légère de la genèse, d’un âge d’or où l’architecture est plaisir, vision joyeuse et idéale, et d’un avenir infernal, sombre et torturé, dont les causes restent mystérieuses... Il révèle enfin une certaine forme d’humour, aujourd’hui trop souvent absente des projets construits !

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Éditions

The Delights of Architecture

de Wolf dPrix

animation MP4
2024

Croquis pour le village olympique d’Athènes

de Wolf dPrix

Feutre sur papier calque
88 x 42 cm
2000