«C’est à la recherche d’un trésor que mon regard fugue au gré des lignes, filant le long des parois, glissant sur les crêtes, sur les sommets, traversant les bois suspendus aux falaises, glissant sur les à-pics piqués de roches éboulées. Mes yeux, des fois avec ma caméra, des fois sans, font fortune de riens accumulés dans le cœur. Lentement, sans penser, sans désirer, ils oublient et découvrent dans la vie une merveilleuse aventure. L’harmonie d’une terre céleste, vibrante et vivante, où les eaux des océans brillent sans bruit de millions de bleus, où les forêts sont libres de leurs couleurs, où les montagnes sont enrobées de blancs, où les glaciers opalescents descendent dans les vallées et où les panachées d’oiseaux ont le ciel pour eux, nourrit le rêve d’un monde que nous épuisons. Si mes images chantent pourtant, c’est que le romantisme de nos perspectives de faillite enchante le vertige de nos pas. Mais ce n’est pas ce déséquilibre que je veux pointer. Si les montagnes s’élèvent si haut dans nos souvenirs, c’est qu’elles sont depuis la nuit de nos temps un monde lumineux, le monde d’un en haut magique un peu plus près des étoiles qui pointe vers l’infini de l’univers. Ces images nous amènent à voir pleinement depuis la profondeur du coeur, en toute liberté d’un regard inconditionnel où chaque battement de paupières semble nous reveler l’essentiel de notre existence, la source de toute vie.» Texte écrit par Jacques Perconte
Les machines nous ont toujours fascinés et inspirés de nombreux artistes. Zaven Paré explore les limites entre la technologie et l’art tout au long de sa longue et fructueuse carrière.Il utilise ainsi dans ses oeuvres une grande variété de médias: du dessin au collage en passant par la sculpture, ainsi que la vidéo et la performance. Sa signature est reconnaissable dans toutes ses créations artistiques, témoignant à la fois du caractère mécanique de son art et de la touche fantaisiste et humaine que la technologie peut revêtir, du moins selon notre perception. Les résultats sont des artefacts vulnérables et fragiles qui vont à contre-courant des arts numériques et flirtent poétiquement avec l’idée d’échec. L’exposition met clairement en avant le thème commun de l’« appareil »sous différentes facettes, parfois de manière plus évidente que d’autres. Les dessins et les objets exposés révèlent alors leur nature au second regard.
Comment conserver nos souvenirs ? La mémoire tend à dissiper la forme. Dans la dérive de notre pensée la plus cartésienne nous avons tendance à rationaliser nos souvenirs et nous poser les questions suivantes: où, comment, quand... Des données calculables et directes qui, dans la plupart des cas, réduisent l’expérience de ce qui a été vécu à une liste d’éléments. Les œuvres de l’exposition «La forme de l’eau» transforment des souvenirs tangibles en ses éléments les plus poétiques, figeant un instant et le rendant infini. Une installation réalisée à partir des sciences physiques et des fluides afin de capturer la chute de l’eau et imiter sa forme en impression 3D. L’eau ne tombe plus, mais s’élève comme dans le langage des rêves, opposé aux lois newtoniennes ; elle est transformée en algorithmes en temps réel, qui suivent une chorégraphie parallèle au récit de l’artiste Marie-France Veyrat dont la voix partage l’histoire de sa découverte. La seconde oeuvre «Bleu-Neige», déconstruit un paysage dynamique, ses éléments poétiques, sonores, chromatiques et rythmiques. Le temps ainsi s’allonge. Cette œuvre joint les théories d’Einstein ainsi que le travail d’autres artistes historiques qui apparaissent dans cette dérive métaphysique. Ironisant sur la vitesse de consommation et l’avidité de nouveautés dans la société contemporaine, Marie-France Veyrat et Jaïme de los Ríos incitent une réflexion à partir de la contemplation et de la poétique du moment, la science de la mémoire.