Thom Mayne, fondateur de l’agence américaine d’architecture Morphosis et distingué par le Pritzker Price en 2005, a toujours conservé une pratique artistique propre, évidente lorsque l’on regarde ses dessins d’architecte. Cette pratique, constamment animée par une quête d’équilibre et de composition, s’engouffre tôt dans les possibilités offertes par l’ordinateur.
Au début des années 2010, Thom Mayne explore les procédés de modélisation numérique et d’impression à contrôle numérique dans le cadre de ses recherches sur les « formes combinatoires ». Constitutives des environnements urbains, il s’agit des formes nées de la capacité des villes à intégrer différents systèmes et configurations, chacun dotés de leurs règles et exigences propres. Ou l’heureuse succession, juxtaposition et mélange des époques, des programmes, des circulations, des typologies, des habitants, etc., au sein de la cité.
En résultent une série de panneaux en relief qu’il baptise drawdels (mot-valise né de drawing et model) ou dessins sculpturaux, épais carrés en métal ou poudre de gypse, où lignes, points, surfaces, s’expriment en trois dimensions, en creux et en volumes, en couches superposées - compositions abstraites à l’esthétique dérivée du plan masse. Massives œuvres d’art, nourries d’années de réflexion sur l’organisation de l’espace.
En 2014, l’agence est invitée à participer à un concours pour la création du plan masse d’un parc urbain dans le district de Huilongguan, au nord de Beijing. Dans le sillon des Jeux olympiques de 2008, la capitale chinoise souhaite moderniser ses équipements sportifs et de loisir et y accoler les grands noms de l’architecture internationale. Sur un site carré de près de 8 hectares, il s’agit de rassembler un stade, une aire de sports en plein air, un gymnase, des piscines, un centre culturel et une salle de spectacles.
Confronté à la table rase qui a été faite sur la parcelle, Thom Mayne a l’idée de prendre pour point de départ l’un de ses drawdels, dont les volumes évoquent peut-être ceux du stade et des autres équipements à intégrer au projet, les surfaces ondulantes celles des esplanades paysagères qu’il imagine, et les lignes, les cheminements qui pourraient traverser le terrain, reliant entre eux les points d’activités, connectant les quartiers alentours.
Des décennies de travail sur les volumes, les lignes et les surfaces qui font la ville vont se substituer à la table rase, la panser. L’équipe projette le programme du parc à construire sur le rendu du drawdel, et, à l’aide de techniques de morphing, génère un résultat spécifique au site, que les concepteurs affinent ensuite : ainsi naît le plan masse du parc urbain de Huilongguan, qui a remporté la première place du concours mais n’a jamais été construit.
Démonstration d’un aller-retour constant chez Thom Mayne entre l’œuvre artistique et le projet architectural, l’animation présentée montre le passage de l’œuvre au plan masse, l’évolution du projet au fil des jours.
Depuis 2023, Thom Mayne s’intéresse par ailleurs à l’intelligence artificielle et à la manière dont, nourrie de « l’ADN de l’agence », c’est-à-dire de toutes ses productions graphiques, celle-ci est capable de produire des compositions stimulant la recherche passionnée de l’architecte pour des systèmes de cohérence formelle.
La série d’impressions numériques réalisées à l’aide de l’IA, dont est tirée XCD_240228-171403_702-BB, explore notamment la surprise, la tension, l’aléatoire et l’accident, autant de paramètres « abstraits » qui ont toute leur place dans les recherches artistiques de l’architecte. « I’m a cyborg ! » s’amuse l’homme de 80 ans, infatigable esprit chercheur.