Eric Vernhes crée des dispositifs et des installations cinétiques, visuelles ou sonores dont il programme les comportements en fonction de logiques auto-génératives, interactives ou hybrides. Initialement architecte, puis scénariste, cinéaste et musicien, Eric Vernhes a développé un parcours d’artiste multidisciplinaire tendu vers un propos résolument humaniste. Les procédés numériques qu’il utilise sont extraits de leur contexte technique pour être mis au service d’un discours intemporel inspiré de la littérature et de la philosophie. L’esthétique exigeante, ainsi que l’utilisation de matériaux nobles, nous éloigne des processus de fabrication de l’ingénierie pour nous rapprocher de l’humanité du geste. Eric Vernhes fait ainsi exister des créations anthropoïdes: le mouvement propre des oeuvres, en épousant celui de notre conscience, semble embrasser aussi notre propre humanité et nous en donne le spectacle. Le travail d’Eric Vernhes est montré dans les salons internationaux , centres d’art et fondations. Il réalise également des créations scénographiques et visuelles en spectacle vivant et enseigne les arts technologiques.
Son travail fait partie de plusieurs collections privées et fondations, notamment la Fondation Hermès (FR), la Frankel Foundation (USA), BEEP collection (ES) et la Artphilein Foundation (CH).
Blueprints et L’Idée sont deux œuvres d’Eric Vernhes explorant la naissance de l’idée dans l’esprit du créateur, sa traduction dans l’écriture ou le dessin, et plus tard la forme construite.
Blueprints a été créée à l’aide de deux logiciels génératifs. Un premier, conçu par l’artiste lui-même, transpose une musique en partition abstraite ou blueprint (moitié droite de l’écran). Ce motif linéaire dansant est ensuite interprété par un second logiciel utilisant l’intelligence artificielle, sur lequel l’artiste n’a plus que partiellement le contrôle. En ressort une image figurant des représentations stylisées d’architectures, de chantiers, ou encore d’animaux (moitié gauche de l’écran).
Cette œuvre parle du foisonnement de projets motivés par les Jeux olympiques. L’IA générative est ici volontairement utilisée pour signifier cette surabondance d’idées, d’images.
L’idée est une série de sept impressions numériques inspirées d’un texte de Robert Musil tiré de L’Homme sans qualités (1932). L’écrivain autrichien avait 16 ans lors des premiers Jeux olympiques modernes, en 1896. Son œuvre est marquée par de nombreuses références au corps et un intérêt pour la discipline sportive. Le texte cité dans dans les impressions numériques de Blueprints tente de décrire l’éclosion d’une idée, son rapport à la chair aussi bien qu’à l’esprit, voire à quelque chose de plus grand, et sa capacité à échapper à l’énonciation. Musil évoque en outre la soudaineté et le caractère merveilleux, génial, presque magique de l’idée, puis le moment où celle-ci finit par être domptée et ordonnée dans notre esprit, prête à être utilisée. Alors, il semblerait qu’au contact de la réalité, l’idée se soit compromise, et qu’il devienne impossible d’en retrouver l’état d’origine.
Eric Vernhes interprète ce texte à partir de trois types d’images. Une image-texte qui reprend le texte de Musil et dont les premières pages sont illisibles, les caractères étant agrégés en quelques formes compactes. Ce sont les premiers instants de vie d’une idée. Petit à petit, ces formes se délitent pour devenir lisibles et compréhensibles.
À proximité, un schéma d’apparence simple, composé de quelques éléments géométriques, carré, lignes, points, rectangles, se développe, cherche la composition idéale au fur et à mesure que l’image-texte s’éclaircit. Enfin, un dessin réalisé à l’ordinateur représente une silhouette d’abord abstraite, puis à l’allure de plus en plus humaine, réaliste, « compacte » pour reprendre un terme utilisé par Musil.
Arrivé au septième et dernier dessin, au moment même où l’idée a pu être exprimée, qu’elle a atteint sa plus grande clarté, que le texte est parfaitement lisible et que le schéma a trouvé son point d’équilibre, ayant même intégré le cadre du dessin, l’homme compact s’en extrait : l’idée faite chair poursuit son chemin, désormais autonome.