Frédéric Chaubin

Ancien rédacteur en chef d’un magazine lifestyle, CitizenK International, de 1994 à 2013, Frédéric Chaubin s’est transformé avec le XXIe siècle en faiseur d’images, de préférence analogique, en moyen et grand format exclusivement. Son travail est principalement consacré à des obsessions personnelles : monuments déroutants flottant dans l’espace et le temps, formes de pierre, et formes de chair.

Entre 2003 et 2010, Frédéric Chaubin a photographié les spécimens les plus spectaculaires du modernisme soviétique tardif, révélant une architecture jusque-là négligée, très loin des stéréotypes de conformisme et de monotonie que l’Ouest associait à l’architecture de l’URSS.

Les trois édifices présentés ici ont été bâtis à l’occasion des Jeux olympiques d’été de 1980, organisés par Moscou. Dans le contexte de cet événement à haute valeur symbolique, consigne était donnée aux architectes d’affirmer l’audace de la construction soviétique. L’impact de ces réalisations fut toutefois limité du fait du boycott des jeux par les puissances occidentales, suite à l’intervention de l’URSS en Afghanistan.

Le palais omnisport de Druzhba (Y. Bolchakov, I. Rozhin, V. Tarassevitch, Moscou, Russie, 1979), aux allures de nef de science-fiction, accueillit les épreuves de volleyball. Il illustre le fantasme de la conquête spatiale, omniprésent dans cette architecture singulière des années 1970 et 1980, exaltant les performances soviétiques dans le domaine. Selon Frédéric Chaubin, qui des années durant tenta de reconstruire l’histoire d’une architecture oubliée, cette influence des formes de la cosmonautique permit aux concepteurs de s’extraire des schémas sériels et sans fantaisie pour s’essayer aux extravagances du space age. L’édifice continue aujourd’hui d’accueillir des événements sportifs.

À distance du futurisme de Druzhba, le centre nautique de Pirita (Avo-Himm Looveer arch., Pirita, Tallinn, Estonie, 1980), au bord du golfe de Finlande, souligne pour sa part l’influence du postmodernisme adopté par les jeunes architectes d’Estonie. Telle une superstructure de navire, la tour de contrôle des épreuves nautiques illustre le concept d'« architecture parlante » (c’est-à-dire affichant des formes évocatrices de la fonction qu’elles abritent) si présente en URSS dans les chantiers de prestige de l’époque. Inscrit en 1997 au registre national estonien des monuments culturels, le complexe a depuis lors été privatisé et abrite aujourd’hui un hôtel, des commerces et des bureaux.

Le Linnahall (Palais Lénine des Sports et de la Culture), Raine Karp arch., Tallinn, Estonie, 1980), ou Palais Lénine des Sports et de la Culture (Tallinn), abritait un amphithéâtre de 5000 sièges et une immense patinoire pouvant accueillir 3000 spectateurs. Il fut lui aussi construit à l’occasion des Jeux olympiques de 1980, vraisemblablement pour accueillir des manifestations parallèles, culturelles et de loisir. L’étalement des volumes, de même que leur faible élévation, ne sont pas sans rappeler l’architecture organique de Frank Lloyd Wright, dont Raine Karp, l’architecte en chef du projet, avait certainement connaissance (Franck Lloyd Wright s’est d’ailleurs un temps inspiré de l’architecture mésoaméricaine et des pyramides mayas, dont on décèle ici les échos). Pensé dans un souci de transition entre la ville et la mer, face à la Baltique, ce chef-d’œuvre est un ovni surdimensionné au cœur du paysage soviétique. L’édifice, récompensé en 1983 lors de la biennale de l’Union internationale des architectes, est aujourd’hui à l’abandon.

Aussi intéressante cette histoire méconnue puisse-t-elle être, elle reste secondaire dans le travail de Frédéric Chaubin. Le photographe s’intéresse avant tout à l’impact visuel des images, se concentre sur l’objet-architecture, délaisse tout contexte qui ne sert pas son propos. Les cadrages et le choix des lumières soulignent l’étrangeté des architectures rencontrées, un sentiment de dépaysement. C’est le « jamais-vu » des formes de ces objets construits non-identifiés, leur échelle hors norme, qui l’interpellent et vont enclencher une quête passionnée, obsessionnelle, fascinant témoignage photographique* regroupant au total plus d’une centaine d’images.

*Une partie de ces photographies est compilée dans CCCP – Cosmic Communist Constructions Photographed publié aux éditions Taschen.

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Expositions

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Éditions

Golfe de finlande

de Frédéric Chaubin

Tirage photographique
35 x 50 cm
2004

Paix, sport et fraternité

de Frédéric Chaubin

Tirages photographiques
80 x 50 cm
2008

Soviet Postmodern

de Frédéric Chaubin

Tirage photographique
35 x 50 cm
2004

Concrete Cruise

de Frédéric Chaubin

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